(… )Déjà, lors de son meeting à Ndjili Ste Thérèse, les plus de 30 partis et associations de « Ensemble » se sont montrés incapables de mobiliser assez de monde pour remplir cette place vaste comme trois terrains de football. Les statistiques les plus avancées parlent d’une moyenne de 10.000 personnes, ce qui ne fait même pas la population de la commune de Kintambo qui, à Kinshasa, est démographiquement la plus petite…
La caravane électorale en RDC poursuit son bonhomme de chemin en République démocratique du Congo. La CENI progresse dans ses opérations et l’on est en passe de se propulser officiellement dans la fièvre électorale avec le lancement du dépôt des candidatures. Mais en attendant, les différents états-majors politiques finissent de se mettre en ordre de bataille, chacun tenant à ratisser suffisamment large pour, soit conserver le pouvoir pour ce qui est de la majorité en place, soit le conquérir pour l’exercer. On est là au cœur même de l’enjeu de l’alternance qui part déjà de l’existence d’une diversité des forces politiques en présence.
Le paysage politique congolais se présente en un clivage unique entre majorité et opposition, certes, mais avec une pointe de différence aussi bien sur les stratégies et la détermination des uns et des autres que sur leurs organisations respectives.
Côté majorité, l’on est conscient de l’enjeu de la conquête du pouvoir et les esprits s’y sont inscrits résolument, même s’il s’observe quelques tiraillements au sein de certaines formations politiques, ce qui est tout à fait normal lorsqu’il s’agit de se mettre en ordre de bataille. La majorité se montre clairement consciente que la campagne ne sera pas de tout repos puisqu’il s’agira principalement, pour elle, de défendre un bilan avant de proposer un nouveau projet de société.
FCC : intéressant ciblage sociologique
Pour autant, cette majorité semble avoir su faire un ciblage stratégique de son action vers les électeurs en choisissant de ratisser déjà large. La création du Front commun pour le Congo (FCC) procède certainement de cette stratégie qui vise à fédérer le plus de leaders (politiques et sociaux) possibles pour élargir l’assiette sociologique d’influence. Chaque acteur est, en effet, censé représenter un village, un secteur, un territoire ou un district (le cas de Kinshasa). Un ciblage qui cadre clairement avec le profil du vote africain où l’élément culturel est très présent, voire dominant, les considérations politiques et intellectuelles venant en second lieu.
C’est ici que, certainement, les adversaires de l’opposition pourraient croiser leur Waterloo lorsqu’il s’agira pour eux – et ils s’y sont déjà mis – d’emboucher la trompette de la disqualification suivant le discours des affameurs du peuple, de « mwana mboka » et autres. Le même discours qui avait prévalu en 2006 et, pire encore, en 2011.
Le revers de ce genre de discours est qu’il a tendance à surfer sur les plages de la martyrisation jusqu’au point de susciter la sympathie au profit de celui qui apparaît, dès lors, comme la victime.
Discours électoral : premier adversaire de l’opposition
D’ailleurs, cette fois-ci, il va être difficile de tenir un tel discours au regard de la configuration de cette « opposition » qui compte dans ses rangs des personnages fraichement partis de la majorité dont ils partagent largement le bilan et en sont autant comptables. Bref, cette opposition court au-devant d’une auto-neutralisation du discours et devra trouver d’autres stratégies pour prendre pieds dans le sociologique électoral.
Et à ce sujet, l’on en vient à observer la diversité de cette opposition pour constater que, dans l’ensemble, elle est loin, bien loin de disposer d’un ancrage sociologique digne d’en faire une foudre électorale. En dehors de l’Udps, qui doit encore se refaire une santé sociologique après des années de déchirement et d’absence sur terrain, le regroupement qui prétend disposer du leadership dans l’opposition, « Ensemble », est le plus sociologiquement fragile et se trouve loin de convaincre quant à sa capacité à subjuguer les foules.
En effet, il faut noter que dans la trentaine des partis qui la composent, la plupart sont ceux qui ont connu les deux précédentes législatures, mais avec un nombre insignifiant de Députés (1 ou deux, en tous cas pas plus de six), en dehors du MSR qui était la deuxième force politique de la majorité mais qui s’est aujourd’hui émiettée avec les conséquences qui en découlent.
Pire encore, ce regroupement politique sans âme doit son existence à plusieurs hésitations, à des bricolages, jusqu’à des plagiats, dénotant par là un manque de vision quant à son éventuel esprit conquérant de l’électorat. Pour preuve, ses leaders ont, depuis longtemps, rompu le contact avec leurs bases, préférant écumer les capitales occidentales à la rencontre des appuis politico-affairistes qui ne tiendront pourtant pas de bulletin de vote en main. Avec le laps de temps qui reste, c’est seulement maintenant que « Ensemble » veut se déployer sur le terrain où il ne sera pas seul, preuve que cette plate-forme ne doit pas trop rêver de réussir à s’inscrire dans l’imaginaire des électeurs avec autant de facilité. Sa plus grande faiblesse est qu’elle devra faire face au bilan qu’il partage avec la majorité, ce qui lui coupera au moins 60% de son capital discours séducteur lorsqu’elle sera obligée d’abord à se justifier avant de placer un mot sur son projet de société.
Encore faudra-t-il que ce regroupement dispose d’un animateur des foules comme ce fut le cas avec Kamerhe et le PPRD en 2006. La toute récente sortie, à Kinshasa, de cette plate-forme a laissé l’image d’une cacophonie de leadership sous l’encadrement de ce jeunot, Delly Sesanga, dont les responsabilités de Secrétaire général paraissent bien plus larges que ses épaules.
A Ndjili, « Ensemble » n’a pas été capable de mobiliser la seule commune de Kintambo
Déjà, lors de son meeting à Ndjili Ste Thérèse, les plus de 30 partis et associations de « Ensemble » se sont montrés incapables de mobiliser assez de monde pour remplir cette place vaste comme trois terrains de football. Les statistiques les plus avancées parlent d’une moyenne de 10.000 personnes, ce qui ne fait même pas la population de la commune de Kintambo qui, à Kinshasa, est démographiquement la plus petite.
Une autre preuve du manque d’âme de cette opposition est son incapacité à s’organiser en une force politique réelle autour d’un projet commun à faire porter par un candidat tout aussi commun. N’oublions pas, en effet, que l’élection présidentielle est à tour unique. Si, hier, la tendance penchait du côté de Katumbi, aujourd’hui, les esprits se formatent autour de JP Bemba qui vient de bénéficier d’une mise en liberté provisoire. Mais Bemba doit encore attendre la sentence de la deuxième affaire. En cas de condamnation, même s’il ne purgera pas de peine d’emprisonnement, il aura un casier judiciaire qui l’empêchera de postuler.
Mais, même dans le meilleur des cas, Bemba n’aura pas suffisamment de temps pour s’organiser et mobiliser ses troupes dans la logique d’une campagne à l’échelle nationale dans un pays comme la RDC.
Ne parlons pas de Martin Fayulu qui n’a plus, autour de lui, que des forces politiques résiduelles de l’opposition qui se sont entredéchirées.
Bref, après avoir longtemps combattu les élections par toutes sortes de discours, l’opposition se réveille devant une réalité implacable : les élections sont bel et bien là, la machine à voter est là, la CENI – la même – est là, le CNSA est là et fonctionne, il n’y aura pas de transition ni avec ni sans Kabila, la majorité aura son candidat sans aucune contrainte et les Congolais vont aller aux urnes. A la limite, l’on peut croire qu’à défaut d’avoir combattu la tenue de ces élections, l’opposition, consciente de ses incapacités, a, jusque-là, travaillé pour en contester les résultats.
JEK